
Dans un livre bref et informé, Étienne Tissot retrace la vie d’Adolphe Monod (1802-1856), qui s’inscrit toute entière dans la période de conflit entre libéraux et orthodoxes au sein de l’Eglise réformée.
Issu d’une bonne famille protestante, enfant doué et vif d’esprit, Adolphe se destine rapidement au ministère pastoral et part étudier à Genève, une faculté de théologie teintée par le libéralisme. À la fin de sa formation – notamment au contact de prédicateurs du Réveil – il traverse une profonde crise personnelle, spirituelle, qui débouche sur sa conversion : « La foi que demande l’apôtre est une foi de cœur, qu’on possède moins qu’on est possédé par elle. » (p.119) Dès lors, de Naples à Lyon, de Montauban (où il enseigne à la faculté) à Paris, prédicateur assidu, chevronné, n’hésitant pas à secouer son auditoire, il prêche le péché de l’homme et le salut par grâce.
Au sein de l’institution, les conflits ne tardent pas à se cristalliser autour de sa personne et de son message (le fond comme la forme). Chez Monod, ces conflits mettent tour à tour en relief la fougue de sa jeunesse, les tourments de son âme (parfois dépressive), la puissance de sa conviction (provocation ?), la force de son tempérament (mauvais caractère ?).
Fait marquant, jusqu’au plus fort de la dispute, le pasteur refusera de quitter l’église instituée. A Lyon, après avoir été renvoyé, il souligne : « Nous ne sommes pas séparés, nous avons été séparés. » (p.76) Plus tard, il développe : « ce n’est pas une Église dissidente que je cherche à fonder, mais une Église indépendante, et cela parce qu’il le faut, Dieu m’y appelle clairement ; mais je suis persuadé qu’il y a moyen de former des églises indépendantes sans esprit de séparation et d’exclusivisme, car telles ont été les Églises fondées par les apôtres. » (p.89)
Au fil du temps, et tout en continuant à s’en réclamer, Adolphe Monod critique quelque peu le Réveil (ce qui vaut le titre du livre : un artisan paradoxal du Réveil…). Il lui reproche d’être devenu plus biblique (au sens de « fondamentaliste ») que spirituel (inspiré), de présenter le christianisme davantage comme une doctrine que comme une vie. Il dénonce ce qu’il appelle le « confessionalisme », et appelle à un réveil dans le Réveil, qui serait réservé à la « contemplation de la personne vivante de Jésus-Christ. » (p.147)
Ce livre m’a beaucoup intéressé. Même si le style pourrait être plus fluide parfois, il offre l’avantage de citer de larges extrait des sermons de Monod.
Pour aller à l’essentiel, en plus de donner à connaître le message et la trace laissés par une figure importante du protestantisme français (on entre en réalité assez peu dans l’intimité d’Adolphe Monod), cet ouvrage m’a semblé nourrir la réflexion autour de préoccupations importantes et toujours actuelles : lien à l’institution, glissement du Réveil vers une forme de rigorisme, rapport à la prédication, lien entre caractère et ministère…
J’en recommande la lecture !
Daniel Tynevez, pasteur de la Mission Timothée au Riffray (35)
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